L’extension de la sécurité sociale au secteur de la construction

Ouvriers du bâtiment

Module content

La construction compte parmi les secteurs économiques qui présentent de grandes lacunes en matière de couverture sociale et une forte prévalence de l'informalité et du travail non déclaré. Alors qu'il emploie près de 7 pour cent de la main-d'œuvre mondiale, le secteur de la construction se caractérise souvent par des modalités d'emploi complexes et une grande mobilité de la main-d'œuvre, une forte prévalence de l'emploi temporaire et occasionnel, de la sous-traitance et des relations de travail peu claires ainsi qu'une main-d'œuvre migrante.

Ce module souligne les enjeux spécifiques de l'extension de la sécurité sociale aux ouvriers du bâtiment et analyse certaines solutions politiques, fondées sur l'expérience internationale et guidées par les normes de sécurité sociale de l'OIT.

 

Questions clés

  • Quels sont les enjeux spécifiques de l'inclusion des ouvriers du bâtiment dans la législation sur la sécurité sociale ?
  • Comment inclure les ouvriers du bâtiment dans la législation sur la sécurité sociale ?
  • Quels autres éléments faut-il prendre en compte pour inclure les ouvriers du bâtiment dans la législation sur la sécurité sociale ?

 

Principaux obstacles

  • Exclusion légale : la législation du travail et de la sécurité sociale exclut parfois certaines catégories d'ouvriers du bâtiment (par exemple, les travailleurs indépendants). En outre, les cadres juridiques contiennent des seuils minimaux concernant la taille de l'entreprise, la durée de l'emploi, le temps de travail ou le salaire, qui peuvent effectivement exclure les travailleurs qui ne remplissent pas ces exigences minimales, notamment les travailleurs saisonniers ou occasionnels.
  • Modalités complexes concernant les contrats et l'emploi : l'existence de contrats et d'accords de travail complexes dans le secteur de la construction constitue un défi pour les régimes d'assurance sociale construits autour de la notion de travailleur ayant une relation de travail claire et stable, un contrat à long terme et un salaire régulier.
  • Procédures et services administratifs complexes et lourds : compte tenu des caractéristiques du secteur de la construction, les employeurs et les travailleurs n'ont pas de capacité suffisante pour faire face à des procédures administratives complexes et lourdes. Ces difficultés sont exacerbées lorsque les ouvriers du bâtiment passent d'un secteur de l'économie à l'autre. Une telle mobilité de la main-d'œuvre risque de les priver de prestations même s'ils ont cotisé dans le passé, en particulier si l'administration n'a pas la capacité d'enregistrer ces changements.
  • Faibles revenus : à moins de mettre en place des mécanismes adaptés, les ouvriers du bâtiment dont les revenus sont très faibles ne peuvent pas verser les cotisations de sécurité sociale requises. En outre, les revenus des ouvriers du bâtiment sont souvent volatiles en raison des variations saisonnières de l'activité et des ralentissements économiques, ce qui explique la difficulté de verser le même montant à la même période chaque mois, comme l'exigent de nombreuses administrations de sécurité sociale.
  • Manque d'application et de contrôle : il est souvent difficile pour les administrations du travail de localiser les travailleurs, de procéder au suivi de leur affiliation et d'assurer la conformité avec le régime en raison de la forte mobilité. En outre, la complexité des modalités de sous-traitance complique la détection d'une relation de travail.
  • Manque d'information et degré d'organisation inégal : un degré d'organisation inégal affaiblit la négociation collective. Si les ouvriers du bâtiment des grandes entreprises sont organisés, la plupart des travailleurs des MPE de la construction ne le sont pas. En outre, de nombreux travailleurs de la construction ne connaissent pas leurs droits, en particulier ceux qui ont un niveau d'éducation inférieur ou les travailleurs migrants.

 

Solutions envisageables

Élargir la couverture légale
  • Étendre la couverture légale et adapter le cadre juridique aux besoins des employeurs et des travailleurs du secteur de la construction.
  • Réduire les seuils minimums fixés dans les législations nationales concernant le temps de travail, la durée de l'emploi ou la rémunération pour faciliter la couverture des ouvriers du bâtiment.
Supprimer les obstacles administratifs
  • Simplifier l'enregistrement et les autres procédures administratives, par exemple grâce à la technologie mobile et aux services numériques, et améliorer l'accès à la sécurité sociale pour les travailleurs et les employeurs du secteur de la construction.
  • Mettre au point des mécanismes de prestation de services intégrés pour améliorer l'accès à la protection sociale des ouvriers du bâtiment, en particulier dans les zones rurales et éloignées.
  • Faciliter l'accès à la protection sociale grâce à des partenariats avec des organisations communautaires ou des syndicats qui peuvent agir comme agrégateurs en facilitant l'enregistrement des travailleurs et la collecte des cotisations.
Faciliter la collecte et le paiement des cotisations et les mécanismes de financement alternatifs
  • Déterminer les cotisations non pas sur les revenus, mais sur la valeur globale du projet de construction, de manière à tenir compte de la relation complexe entre l'entrepreneur et les différents niveaux de sous-traitants, ainsi que des difficultés liées à la couverture des ouvriers qui travaillent pendant une courte période pour le même employeur.
  • Assurer la protection du revenu des travailleurs du secteur de la construction pendant les périodes d'interruption de travail.
Renforcer la conformité et faciliter les inspections
  • Adapter le cadre juridique et opérationnel aux caractéristiques sectorielles, par exemple en adaptant le cadre juridique régissant les services d'inspection dans le secteur de la construction, en allouant davantage de ressources aux services d'inspection et en dispensant une formation spécifique aux inspecteurs pour qu'ils puissent effectuer des inspections dvisant à détecter le travail non déclaré (comment détecter les personnes sans relation de travail).
  • Sensibiliser et promouvoir le respect de la législation par des mesures de prévention.
Sensibiliser les populations et diffuser les informations
  • Sensibiliser les travailleurs et les employeurs du secteur de la construction à l'importance de la protection sociale et les informer sur les régimes et les prestations disponibles ainsi que sur les procédures pertinentes.
  • Diffuser l'information par l'intermédiaire des médias et d'autres moyens, tels que les centres d'information, les lignes d'assistance téléphonique, les brochures et les sites Web, et les adapter à la situation des travailleurs et des employeurs.
Renforcer les incitations à la formalisation par des liens avec d'autres domaines stratégiques
  • Lier la protection sociale à d'autres domaines d'intervention, tels que l'application du droit du travail et de la législation sur la santé et la sécurité au travail, ainsi que les régimes de garantie de l'emploi et les programmes de travaux publics.
  • Promouvoir la transition des entreprises de construction informelles vers l'économie formelle en simplifiant les procédures d'enregistrement des entreprises et en réduisant les coûts de transaction.
  • Permettre aux PME du secteur de la construction d'accéder aux formations en matière de financement et d'entrepreneuriat.

 

Messages clés

  • L'extension de la couverture légale aux travailleurs de la construction est une étape cruciale, mais il convient d'adopter une série de mesures supplémentaires pour garantir l'application de la législation dans la pratique, comme l'adaptation des modalités visant à faciliter l'enregistrement et les autres procédures administratives, l'amélioration de l'accès à la protection sociale, l'adaptation des mécanismes d'inspection du travail au secteur de la construction et la sensibilisation des travailleurs et des employeurs du secteur sur l'importance de la protection sociale, les régimes existants et les modalités d'accès.
  • Concevoir les régimes en tenant compte des caractéristiques spécifiques du secteur, à savoir la complexité des modalités de sous-traitance et le caractère occasionnel des relations de travail, par exemple en fixant des modalités de financement souples.
  • Établir un lien entre les politiques de protection sociale et différents domaines d'action afin de favoriser la transition vers la formalité : application du droit du travail et de la législation sur la santé et la sécurité au travail, développement de systèmes de garantie de l'emploi et de programmes de travaux publics.