Défis et possibilités en matière d’extension aux travailleurs de l’économie informelle
Chapitre 1
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Plus de 60 pour cent de la main-d’œuvre mondiale travaille dans le secteur informel et la majeure partie est confrontée à de graves lacunes en matière de travail décent, notamment à l’absence de sécurité sociale. Ces travailleurs sont privés d’un accès aux soins de santé et d’un niveau élémentaire de sécurité du revenu, et sont donc également privés du droit fondamental à la sécurité sociale. En conséquence, nombre d’entre eux sont enfermés dans un cercle vicieux de vulnérabilité, de pauvreté et d’exclusion sociale, ce qui constitue un énorme défi non seulement pour leur bien-être individuel et leur capacité à bénéficier de droits fondamentaux, y compris du droit à la sécurité sociale, mais aussi pour le développement économique et social de leur pays.
Ce module présente le sujet et identifie les obstacles à l'extension de la couverture aux travailleurs de l'économie informelle.
Questions clés
CHAPITRE 1
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Normes internationales du travail pertinentes
Convention (n° 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952
Recommandation (n° 202) sur les socles de protection sociale, 2012
- Quels sont les obstacles privant les travailleurs de l’économie informelle d’une couverture de sécurité sociale ?
- Comment l’extension de la couverture de la sécurité sociale aux travailleurs non couverts peut-elle améliorer leur situation à court et moyen termes?
- Comment l’extension de la couverture de la protection sociale peut-elle contribuer à faciliter la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle?
Les principaux obstacles à l'extension de la protection sociale
- Exclusion légale : le cadre juridique peut exclure ou restreindre la participation aux régimes de protection sociale de certaines catégories de travailleurs. Dans bien des pays, la législation arrime la couverture de sécurité sociale à une relation de travail identifiable entre un employeur et un travailleur dépendant.
- Procédures et services administratifs complexes et lourds : des procédures complexes et lourdes peuvent dissuader les employeurs et les travailleurs de s’inscrire aux régimes de protection sociale et par là même de bénéficier de prestations. Dans les zones rurales en particulier, il est parfois difficile d’accéder aux régimes de protection sociale en raison de la faible densité des structures et des services administratifs.
- Prestations non alignées avec les priorités : les travailleurs et les employeurs hésitent à cotiser s’ils ne sont pas convaincus que les prestations fournies répondent à leurs besoins prioritaires.
- Coûts et mécanismes de financement inadéquats : les cotisations ne sont pas toujours adaptées au niveau du revenu perçu et peuvent sembler trop élevées pour les employeurs et les travailleurs, en particulier si elles ne valorisent pas les prestations de la couverture d’assurance sociale. Outre le niveau des cotisations, les travailleurs et les employeurs peuvent avoir du mal à cotiser si les mécanismes de financement – notamment de recouvrement des cotisations – ne sont pas adaptés à leur situation.
- Absence d’application et de contrôle et faible conformité : l’absence de la mise en œuvre effective des réglementations du travail et de sécurité sociale applicables peut contribuer à un faible niveau de conformité. Les contrôles deviennent compliqués puisque certaines activités sont dissimulées ou non déclarées par les employeurs.
- Manque d’information, de sensibilisation et de confiance : Le manque d’information et de sensibilisation à la sécurité sociale est un facteur sous-jacent à l’insuffisance de mesures incitatives pour s’inscrire à la sécurité sociale. En outre, la méfiance à l’égard de l’institution de sécurité sociale peut aussi renforcer les réticences à s’affilier à un régime de sécurité sociale.
- Absence de représentation et d’organisation : il existe indubitablement un lien direct entre la capacité d’organisation des travailleurs et la facilité de leur intégration dans les régimes contributifs. L’organisation inexistante parmi certaines catégories de travailleurs est un facteur de marginalisation qui réduit leurs chances d’être représentés dans les débats publics.
- Absence de coordination et d’intégration avec d’autres domaines stratégiques : dans bien des pays, le système de protection sociale est très fragmenté et pâtit d’un manque de coordination avec d’autres politiques, telles que les politiques sur la formalisation des entreprises, le marché du travail et l’emploi, le développement des entreprises et les questions macroéconomiques, ainsi que sur la santé, l’éducation et les soins.
Comment parvenir à l'extension de la couverture ?
Des exemples concrets d’extension de la couverture de la sécurité sociale aux travailleurs de l’économie informelle ont mis en avant deux grandes démarches stratégiques :
1. L'extension de la couverture par l'intermédiaire de mécanismes contributifs : dans bien des pays, l’extension de la sécurité sociale à des groupes plus larges de la population a suivi une méthode qui pourrait être qualifiée «d’extension de la protection sociale par voie de formalisation», principalement axée sur les mécanismes de protection sociale existants (assurance sociale).
2. L'extension de la couverture par l'intermédiaire de mécanismes non-contributifs : dans d’autres pays, l’extension de la sécurité sociale à des groupes plus larges de la population s’est poursuivie par une extension à grande échelle de mécanismes de protection sociale non contributifs à des groupes précédemment non couverts, indépendamment de leur statut d’emploi, et largement financés par les recettes publiques provenant des impôts, des revenus issus des ressources minières ou des subventions externes.
De nombreux pays qui ont réussi à étendre leur couverture ont combiné ces deux approches dans des stratégies intégrées de protection sociale à deux volets qui appliquent le principe de la protection universelle et tiennent compte des capacités contributives des différents groupes de la population. Il n’y a pas de solution unique : les pays combinent plutôt les deux approches en vue d’étendre la protection sociale aux travailleurs qui n’étaient pas couverts auparavant, proposant progressivement des niveaux de protection plus élevés au plus grand nombre de personnes possible.
Un certain nombre de pays à revenu intermédiaire et à faible revenu ont considérablement élargi la couverture de la protection sociale aux personnes opérant dans l’économie informelle et facilité leur transition vers l’économie formelle grâce à une approche à deux volets. Citons par exemple l’extension de la protection de la santé en Thaïlande (régime de couverture sanitaire universelle, anciennement appelé Plan 30 baht); en Argentine (prestations familiales et prestations de maternité); en Afrique du Sud (programmes d’assurance sociale et de subventions importantes), entre autres. En fait, les deux approches ainsi que leur combinaison dans une approche intégrée à deux volets, figurent à la fois dans la recommandation (n° 202) sur les socles de protection sociale, 2012, et la recommandation (n° 204) sur la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle, 2015.
Ressources pertinentes
La stratégie de l’Organisation internationale du Travail: La sécurité sociale pour tous
Compendium de l'OIT sur les systèmes et socles de protection sociale universelle (en anglais)
Note de synthèse de l'OIT sur le régime de protection sociale universelle en Thaïlande (en anglais)
Note de synthèse de l'OIT sur la protection sociale universelle pour les enfants en Argentine (en anglais)
Note de synthèse de l'OIT sur les travailleurs de l'économie informelle et la crise du COVID-19 (en anglais)
Académie sur la formalisation de l'économie informelle du CIF-OIT
Les avantages de l'extension de la protection sociale
- Les travailleurs bénéficient d'un accès effectif aux soins de santé et de niveaux plus élevés de sécurité des revenus, ce qui contribue à réduire la pauvreté, à améliorer leur bien-être, à réaliser leurs droits fondamentaux à la sécurité sociale, à la santé et à l'éducation, ainsi qu'à réduire les déficits de travail décent.
- Les employeurs bénéficient de l'accroissement de la productivité et de la compétitivité de la main-d'œuvre, notamment grâce à l'amélioration de l'état de santé, à la réduction du taux d'absentéisme, à une plus grande rétention et motivation des employés. Ils bénéficient aussi de la mutualisation des risques financiers liés à la responsabilité de l'employeur en cas d'accident du travail, de maladie, de maternité ou de licenciement au moyen de l'assurance sociale.
- L'extension de la couverture de protection sociale aux travailleurs de l'économie informelle contribue à faciliter la transition de l'économie informelle vers l'économie formelle à court ou à long terme. L'extension des mécanismes d'assurance sociale à de plus grands groupes de travailleurs qui n'étaient pas couverts auparavant permettra d'obtenir une meilleure combinaison de financement pour le système de protection sociale, de réduire les pressions exercées sur les prestations d'assistance sociale financées par l'impôt, et d'assurer la durabilité et l'adéquation du système de protection sociale à long terme.
Messages clés
- La persistance, voire la croissance de l’économie informelle exige d’accorder une attention urgente au double défi consistant à étendre la protection aux travailleurs de l’économie informelle et à faciliter leur transition vers l’économie formelle.
- Les obstacles à la couverture de la protection sociale des travailleurs de l’économie informelle comprennent : l’exclusion de la couverture juridique; les coûts et des modalités de financement inadéquates; des procédures administratives complexes et lourdes; un manque d’application et de contrôle; un manque d’information, de sensibilisation et de confiance; ainsi qu'un manque de représentation et d’organisation.
- Compte tenu du fait que les femmes sont plus susceptibles d'évoluer dans l'économie infpormelle que les hommes, il convient de veiller particulièrement à ce que les stratégies d’extension abordent et promeuvent les questions d’égalité hommes-femmes et d’autonomisation des femmes.
- Pour faciliter la transition vers la formalité, l’OIT a adopté une stratégie intégrée de promotion du travail décent visant à stimuler l’emploi, à améliorer la couverture de la protection sociale, à renforcer le dialogue social et à réaliser les droits fondamentaux au travail.