Socles de protecion sociale et coordination institutionnelle
Parmi les principes définis dans la recommandation n° 202, la coordination entre les politiques sociales, économiques et de l’emploi et la cohérence entre les institutions chargées des prestations sociales (art. 10; art. 3, paragr. l et m), jouent un rôle central dans la mise en place effective des socles de protection sociale (SPS) menant progressivement à des niveaux plus importants de protection sociale (tels que décrits dans la convention n° 102).
Dans ce cadre, la coordination institutionnelle peut être définie comme un processus de développement progressif et continu des politiques (de conception, de mise en place des opérations et d’évaluation) de manière synchronisée, permettant la synergie des efforts mis en place par chacun.
Au niveau politique, la coordination peut être effectuée de manière horizontale entre les institutions et les ministères chargés de concevoir et définir les politiques nationales de protection sociale; et de manière verticale entre les différents niveaux du gouvernement (fédéral, national, régional, municipal) afin de garantir la mise en pratique des politiques définies, la viabilité financière des prestations sociales et leur distribution efficace et décentralisée (en quantité et qualité) aux bénéficiaires.
Au niveau de la gestion, la coordination, dans le but de garantir la réduction des coûts et une amélioration de la transparence et de l’efficacité administrative, peut prendre différentes formes telles que: des services intégrés et complémentaires, des guichets uniques, des mécanismes d’identification des bénéficiaires, des bases de données communes, des systèmes d’information intégrés, etc.
Ces pratiques représentent un intérêt croissant car la dernière décennie a vu le développement de programmes d’extension de la protection sociale de nouvelle génération exigeant de hauts niveaux de coordination. Par exemple, à la fin des années 1990 et au début des années 2000, de nombreux pays latino-américains ont décidé de mettre en place des politiques de protection sociale tels que des mécanismes de lutte contre la pauvreté. Ces programmes sont composés de nombreuses prestations de protection sociale formant un ensemble cohérent de prestations pour les ménages (santé, éducation, revenu de base, etc.). Il s’agit surtout dans un premier temps de programmes de transferts conditionnels, comme le programme Progresa/Oportunidades au Mexique, qui ont ensuite été complétés par différents types de prestations de protection sociale. Ces programmes sont la preuve des efforts considérables réalisés dans les pays de cette région pour développer des mécanismes fonctionnels de coordination institutionnelle. Leurs expériences peuvent être utiles du processus d’apprentissage des autres pays de la région et du monde entier.
Les expériences de l’Argentine, du Brésil, du Chili, du Mexique et de l’Uruguay
Dans le but de documenter et de promouvoir la réflexion sur l’importance de la coordination institutionnelle pour une mise en place et une gestion efficace et cohérente des socles nationaux de protection sociale, les expériences des cinq des pays latino-américains les plus avancés sur ce sujet sont présentées par la suite.

Argentine
Pratiques de conception intégrée
En 2002, le Conseil national de coordination des politiques sociales (Consejo Nacional de Coordinación de Políticas Sociales - CCPS) a été créé dans le but d’articuler, de planifier et de coordonner de manière stratégique les politiques sociales du gouvernement argentin entre les différents ministères.
L’Administration nationale de la sécurité sociale (Administración Nacional de la Seguridad Social - ANSES), créée en 1991, est l’entité chargée de la gestion des prestations de sécurité sociale en Argentine, parmi lesquelles figurent: les allocations familiales (et le système AUH), les allocations chômage, le système de prévoyance, les remboursements, la diffusion de l’information et la tenue des registres de travailleurs.
L’Allocation universelle pour enfant à charge (Asignación Universal por Hijo – AUH) est un programme de transferts conditionnels (pour des prestations de santé et d’éducation) créé en 2009 afin d’améliorer la qualité de vie et l’accès à l’éducation des enfants et des adolescents. A partir de 2011, le programme a contribué à la diminution de la mortalité infantile des enfants de moins d’un an et à l’amélioration du suivi de la grossesse chez les femmes. L’AUH a remplacé les programmes suivants qui existaient jusqu’alors: le programme Chef de famille au chômage (Jefas y Jefes de Horgar Desocupados) et le programme Familles pour l’inclusion sociale (Plan Familias por la Inlusión Social).
Le Système intégré de prévoyance argentin (Sistema Integrado Previsional Argentino – SIPA), créé en 2008, élimine le régime par capitalisation en le remplaçant par un régime par répartition. Le SIPA est destiné aux personnes âgées (65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes) et comprend trois prestations: la prestation élémentaire universelle (Prestación Básica Universal - PBU), la prestation compensatoire (Prestación Compensatoria - PC) pour ceux qui étaient membres de l’ancien système et la prestation complémentaire pour ceux ayant choisi de rester dans l’ancien système (Prestación Adicional por Permanencia - PAP).
Le système de santé argentin est constitué de systèmes compartimentés: le système privé, le système des œuvres sociales et le système public.
AU NIVEAU POLITIQUE
Coordination horizontale au niveau du gouvernement central:
Le CCPS et l’ANSES sont les deux entités centrales qui planifient les politiques et gèrent les actions et programmes sociaux en Argentine.
Le CCPS de la Présidence de la République est constitué des ministères du Développement social; du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale; de l’Education; des Sciences, des Technologies et de l’Innovation productive; de la Planification fédérale, de l’Investissement publics et des Services; de la Justice, de la Sécurité et des Droits humains et le Secrétariat national pour l’Enfance, l’Adolescence et la Famille.
L’ANSES dépend du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale.
Coordination verticale entre les différents niveaux du gouvernement:
La coordination entre les différents niveaux du gouvernement est assurée par les conseils fédéraux se réunissant périodiquement. Ces réunions ont pour but d’informer les autorités sectorielles des provinces (les représentants des gouvernements locaux) des différentes résolutions des ministères nationaux, de discuter des initiatives, de partager les bonnes pratiques et de débattre des questions politiques et conceptuelles.
En Argentine, il existe des conseils fédéraux dans les domaines de la santé, de l’éducation, du travail et de la prévoyance sociale.
Pour le fonctionnement des AUH au niveau national, l’ANSES a principalement recours aux Unités d’assistance complète (Unidades de Atención Integral – UDAI) qui sont responsables de l’assistance aux populations. En Argentine, un mécanisme de coordination a été établit entre l’ANSES et les ministères de la Santé et de l’Education pour la mise en place de l’AUH. Le gouvernement national a signé un accord avec les gouvernements décentralisés afin d’assurer la transmission des données liés aux programmes sociaux à l’ANSES.
AU NIVEAU DE LA GESTION
Ciblage coordonné des bénéficiaires:
Le ciblage des bénéficiaires est principalement effectué par l’intermédiaire du code unique d’identification du travail (Código Único de Identificación Laboral – CUIL) octroyé par l’ANSES et/ou la clé unique d’identification fiscale (Clave Única de Identificación Tributaria – CUIT) octroyée par l’Administration fédérale des revenus publics (Administración Federal de Ingresos Públicos – AFIP), ainsi que par l’intermédiaire des enquêtes (ménages, logements) et des recensements.
Système intégré d’information sociale:
Le Système d’identification national, fiscal et social (Sistema de Identificación Nacional, Tributario y Social - SINTyS) est une base de données qui enregistre les citoyens et identifie les ayants-droits des politiques sociales. Ce système comprend dans ses registres la CUIT et le CUIL.
Le suivi des résultats et de l’évaluation des projets sociaux en Argentine est réalisé par Le Système d’évaluation et de suivi des projets sociaux (Sistema de Evaluación y Monitoreo de Proyectos Sociales – SIEMPRO).
Les deux systèmes dépendent du CCPS.
Brésil
Pratiques de conception intégrée
En 2004, le ministère du Développement social et de la Lutte contre le faim (Ministerio de Desarrollo Social y Lucha contra el Hambre – MDS) a été créé. Il est responsable des politiques sociales (sécurité alimentaire, assistance sociale et paiement des pensions) et a notamment pour mission de coordonner, contrôler et superviser leur fonctionnement.
En 2001, le Plan contre la pauvreté extrême Brasil Sem Miséria a été mis en œuvre dans le but de regrouper les principaux programmes de transferts nationaux et d’y intégrer des actions d’inclusion productive.
Programmes de transferts nationaux:
- Bolsa Familia est un programme de transfert en espèces dont bénéficient les familles pauvres et extrêmement pauvres sous réserve que les enfants aillent dans des centres éducatifs et des centres de santé pour se faire vacciner. Créé en 2003, le programme regroupe les programmes de transfert conditionnels sectoriels (Bolsa Escola, Bolsa Alimentação, Cartão Alimentaçao, Auxilio-Gas).
- La Prestation continue en espèces (Beneficio de Prestación Continuada – BPC) est un programme de transfert en espèces pour les personnes âgées et les personnes handicapées issues de familles à revenus faibles.
Inclusion productive:
- En zone urbaine: qualification professionnelle par le biais du Programme national d’accès à l’éducation technique et à l’emploi (Programa Nacional de Acceso a la Educación Técnica y al Empleo - PRONATEC) avec la collaboration du ministère de l’Education (MEC) et le soutien des entreprises au moyen de microcrédits.
- En zone rurale: par le biais de l’accès aux moyens de production (semences, bourgeons, etc.) et d’un appui technique.
En 2011, le Système unique d’assistance sociale (Sistema Único de Asistencia Social - SUAS) est institutionnalisé. Il fonctionnait depuis 2005 par le biais d’un réseau de centres de soins répartis sur le territoire national.
Le système de sécurité social, établit depuis plus de 25 ans dans la Constitution de 1988, est complété par le Système unique de santé (Sistema Único de Salud - SUS) et par le Système de prévoyance sociale. Ce dernier est dirigé par le ministère de la Prévoyance sociale ainsi que l’Institut national de sécurité sociale (Instituto Nacional del Seguro Social - INSS) et l’entreprise de technologie et d’informations de prévoyance sociale (Dataprev). Il est nécessaire de mentionner que le SUAS (récemment institutionnalisé), le SUS et le Système de sécurité sociale ne possèdent pas d’entité de coordination commune.
AU NIVEAU POLITIQUE
Coordination horizontale au niveau du gouvernement central:
Au niveau du gouvernement central, le Plan Brasil Sem Miséria est composé de:
- Un Comité national de gestion, constitué du MDS, du Cabinet civil de la Présidence (Casa Civil de la Presidencia - CC) et de trois autres ministères;
- Un Groupe exécutif (Comité central), constitué de vice-ministres;
- Un Groupe interministériel d’accompagnement, qui informe le Comité national et le groupe exécutif des actions et des programmes sociaux et des leurs budgets respectifs.
Le MDS est l’entité chargé de coordonner les trois instances.
Le programme Bolsa Familia est principalement fondé sur une collaboration entre le MDS et la Caisse économique fédérale en charge d’effectuer les versements liés au programme.
Le BPC, quant à lui, est fondé sur la collaboration entre le MDS et l’INSS pour mener à bien la gestion et les versements des pensions non contributives.
Coordination verticale entre les différents niveaux du gouvernement:
Le plan Brasil Sem Miséria est principalement constitué, au niveau de la coordination entre les différents niveaux du gouvernement, par:
- Le Secrétariat extraordinaire de lutte contre la pauvreté extrême (Secretaria Extraordinaria para la Superación de la Extrema Pobreza - SESEP) qui est en contact constant avec les municipalités; et
- Les Comités ministériels.
La répartition des tâches du programme Bolsa Familia se fait principalement par des accords signés entre le Secrétariat national au revenu minimum garanti (Secretaria Nacional de Renta de Ciudadanía - SENARC) du MDS et les municipalités ainsi que dans les règlements du programme.
AU NIVEAU DE LA GESTION
Point d’accès (Guichet unique):
Au Brésil, les Centres de référence d’assistance sociale (Centros de Referencia de la Asistencia Social - CRAS) et Centres spécialisés d’assistance sociale (Centros Especializados de Asistencia Social - CREAS), répartis sur le territoire national, fonctionnent en réseau et servent de point d'accès aux droits sociaux: santé, éducation, sécurité alimentaire, etc. Ces centres font partie du SUAS et devraient constituer un instrument important pour la «recherche active» des bénéficiaires sociaux potentiels du programme Brasil Sem Miséria.
Ciblage coordonné des bénéficiaires:
Au Brésil, des méthodes directes de ciblage des bénéficiaires sont utilisées. Elles sont principalement fondées sur l’établissement de seuils de pauvreté calculés sur les revenus familiaux mensuels par habitant. Deux seuils de pauvreté (non officiels) sont utilisés pour identifier les bénéficiaires des principaux programmes nationaux Bolsa Familia et BPC. Le premier seuil (Bolsa Familia) se base sur un revenu familial mensuel par habitant égal ou inférieur à un montant moyen défini pour les familles pauvres et extrêmement pauvres. Le deuxième seuil (BPC) se base sur un revenu familial mensuel par habitant égal ou inférieur à un quart du salaire minimum en vigueur dans le pays.
Système intégré d’information sociale:
Le Registre unique pour les programmes sociaux (Cadastro Único para los Programas Sociales - CadÚnico) est un instrument pour la collecte de données et d’informations sociales et pour l’identification et le ciblage des bénéficiaires des programmes sociaux et de la distribution des pensions. Utilisé au niveau étatique, fédéral et municipal, le CadÚnico est coordonné et soutenu par le MDS et la Caisse économique fédérale.
Chili
Pratiques de conception intégrée
En 2011, le ministère du Développement social (MDS) est créé. Il remplace le ministère de la Planification et de la Coopération (Mideplan) – qui avait notamment pour fonction de coordonner et superviser la mise en place du Système intersectoriel chilien pour l’intégration des principaux programmes nationaux : Chili solidaire (Chile Solidario - CHS), Le Chili grandit avec toi (Chile Crece Contigo - CHCC) et le Revenu familial éthique (Ingreso Ético Familiar - IEF).
Le CHS est un programme de transferts conditionnels créé en 2002, destiné aux familles et aux personnes pauvres en situation de vulnérabilité. La couverture offerte par le CHS comprend également le programme Puente (destiné aux familles extrêmement pauvres), le programme Vínculos (destiné aux personnes âgées vulnérables), le programme Calle (destiné aux adultes sans abri) et le programme Caminos (destiné aux enfants mineurs de prisonniers).
Le CHCC est un programme complet destiné aux enfants de moins de 4 ans.
L’IEF est un programme de transferts conditionnels créé en 2012, destiné aux familles extrêmement pauvres. Ce nouveau programme pilote offre une somme supérieure à celle du programme Puente (du CHS), et également un meilleur accompagnement psychosocial.
Il existe également deux autres réformes importantes concernant les piliers contributif et non contributif en matière de protection sociale au Chili: la réforme prévisionnelle de 2008, qui établit un système de pensions solidaires de vieillesse (pour les personnes de plus de 65 ans) et d’invalidité par le biais de la distribution de pensions élémentaires et d’apports prévisionnels; et la réforme du système de santé AUGE (Plan d’accès universel aux garanties explicites - Atención Universal de Garantías Explícitas) de 2005 qui garantit une couverture de santé totale sur 69 pathologies.
AU NIVEAU POLITIQUE
Coordination horizontale au niveau du gouvernement central:
Le MDS est l’entité politique centrale, chargée d’assurer la coordination institutionnelle pour la mise en place et la gestion du Système intersectoriel de protection sociale au Chili.
Ce ministère est organisé en 2 sous-secrétariats principaux:
- Le sous-secrétariat aux services sociaux, et
- Le sous-secrétariat à l’évaluation sociale.
Coordination verticale entre les différents niveaux du gouvernement:
Au niveau régional: les ministères et les services de chaque région forment un Comité technique régional de Développement social pour la coordination et le suivi des programmes sociaux;
Au niveau provincial: les représentants sectoriels des ministères et services se réunissent en un Comité technique provincial de Développement social;
Au niveau municipal: les divers services municipaux et locaux fonctionnent en réseau au sein du Comité technique municipal de Développement social. Les municipalités constituent les Unités d’intervention familiale (UIF) qui forment un sous-réseau d’intervention articulant les soutiens psychosociaux en contact direct avec les familles.
AU NIVEAU DE LA GESTION
Point d’accès (Guichet unique):
Le soutien psychosocial des ménages est un élément clé pour l’accès des familles et des personnes dans le besoin au système de protection social. Il fait le lien entre l’offre conjointe de services sociaux et la demande, et permet à son tour le contrôle des obligations des bénéficiaires et le suivi des résultats des différents programmes sociaux au Chili. Les UIF, mises en place au niveau des municipalités, sont chargées de coordonner et d’articuler le réseau d’unités de soutiens psychosociaux au niveau local. Le soutien psychosocial, à travers le concept de «guichet unique», est capital pour l’extension de la couverture des prestations sociales et pour atteindre un modèle de protection sociale complet au Chili.
Ciblage coordonné des bénéficiaires:
Le ciblage des bénéficiaires des différents programmes sociaux au Chili se fait par l’intermédiaire de la Fiche de protection sociale (Ficha de protección social - FPS). Elle est sous la responsabilité des municipalités qui se chargent d’enregistrer l’information obtenue dans le Registre d’information sociale (Registro de Información Social - RIS)
Au Chili, un modèle mathématique est utilisé afin de calculer la situation socioéconomique des familles de manière pluridimensionnelle (revenu, situation géographique, composition de la famille, etc.) pour l’identification et le ciblage des bénéficiaires.
Système intégré d’information sociale:
Le Chili dispose du Système intégré d’information sociale (SIIS) pour l’enregistrement et l’identification des bénéficiaires des programmes sociaux et pour le suivi et l’évaluation des programmes. Le SIIS est administré par le MDS et fonctionne grâce aux informations enregistrées au niveau municipal dans le RIS.
Mexique
Pratiques de conception intégrée
En 2004, la Loi générale de développement social (Ley General de Desarrollo Social - LGDS) a été promulguée afin de créer un cadre juridique reconnaissant les besoins sociaux des mexicains et palliant les lacunes existantes afin d’aboutir à un système complet. Cette loi constitue un important changement pour atteindre un modèle intégré de protection sociale au Mexique.
Le programme Progresa, créé en 1997, a été le premier programme de transferts conditionnels au Mexique. Il répondait aux besoins en santé, en éducation et en alimentation des zones rurales mexicaines. En 2001, ce programme a été étendu aux zones urbaines et semi-urbaines, et a changé de nom pour l’actuel programme Oportunidades (Oportunités). En 2008, ce dernier incluait le programme 70 comprenant un complément de revenu pour ses bénéficiaires de plus de 70 ans et en 2010, les programmes d’aide alimentaire (PAL). Le programme Oportunidades, mondialement reconnu, a été intégré à la stratégie mondiale de lutte contre la pauvreté et les inégalités au Mexique, appelée Vivir Mejor (Vivre mieux).
En 2013, l’initiative du programme 70 pour les bénéficiaires du programme Progresa/Oportunidades est devenue le Programme de pensions pour personnes âgées, réduisant l’âge minimum des bénéficiaires à 65 ans.
Une autre réforme importante au Mexique a été introduite en 2003 concernant la Loi générale de la Santé qui a donné lieu à la création de l’Assurance populaire (Seguro Popular). Cette dernière a pour but de garantir la santé des personnes ne bénéficiant d’aucun autre type de protection, sans générer d’impact négatif sur leur situation économique.
Il est important de souligner que la sécurité sociale des travailleurs de l’économie formelle au Mexique est assurée par l’Institut mexicain de la sécurité sociale (Instituto Mexicano del Seguro Social - IMSS) et de l’Institut de la sécurité sociale et des services sociaux pour les fonctionnaires de l’Etat (Instituto de Seguridad y Servicios Sociales de los Trabajadores del Estado - ISSSTE) pour les fonctionnaires.
Au NIVEAU POLITIQUE
Coordination horizontale au niveau du gouvernement central:
Afin d’établir et de coordonner les stratégies de développement social, la loi LGDS (2004), a créé la Commission nationale de développement social composée des représentants des Secrétariats au Développement social (SEDESOL); à l’Education publique; à la Santé, au Travail et à la Prévoyance sociale; à l’Agriculture, à l’Elevage, au Développement rural, à la Pêche et à l’Alimentation; ainsi qu’à l’Environnement et au Ressources Naturelles.
Le SEDESOL est le secrétariat présidant cette commission.
En 2005, le Conseil national d’évaluation de la politique de développement social (Consejo Nacional de Evaluación de la Política de Desarrollo Social - CONEVAL) a été créé afin d’établir des critères pluridimensionnels de mesure de la pauvreté et de coordonner de manière intégrée l’évaluation des politiques et programmes sociaux. Le CONEVAL est une unité qui dépend du SEDESOL.
La coordination au niveau central du programme Oportunidades est réalisée au moyen d’un Comité technique de coordination nationale composé du SEDESOL et de 5 autres secrétariats fédéraux. Ces secrétariats ainsi que les services de l’Etat en matière de santé, l’IMSS, les services de l’Etat en matière d’éducation et le Conseil national de développement éducatif (Consejo Nacional de Fomento Educativo - CONAFE) sont les instances en charge de l’exécution du programme.
Coordination verticale entre les différents niveaux du gouvernement:
La coordination verticale du programme Opotunidades est effectuée par l’intermédiaire des gouvernements municipaux et des Délégations ou Coordinations présentes au sein des 32 entités fédérales au Mexique. Ces dernières sont responsables de l’aide aux familles bénéficiaires et du suivi du programme dans l’état fédéral correspondant.
AU NIVEAU DE LA GESTION
Ciblage coordonné des bénéficiaires:
L’identification des personnes ou des familles pauvres au Mexique s’effectue grâce à un seuil de pauvreté défini grâce à des méthodes de mesures pluridimensionnelles. Cette tâche est sous la responsabilité du CONEVAL (unité dépendant du SEDESOL).
Le Questionnaire unique d’information socioéconomique (Cuestionario Único de Información Socioeconómica - CUIS) est l’instrument de collecte d’information socioéconomique qui identifie les bénéficiaires potentiels des programmes sociaux au Mexique. Si nécessaire, le CUIS peut être complété par le Questionnaire complémentaire (Cuestionario Complementario - CC). Les deux questionnaires sont sous la responsabilité du SEDESOL qui charge les différentes délégations de leur collecte au niveau local.
Système intégré d’information sociale:
Le Système intégral d’information de recensements de programmes gouvernementaux (Sistema Integral de Información de Padrones de Programas Gubernamentales - SIIPP-G) est un système de l’administration fédérale publique du Mexique qui fonctionne grâce à l’uniformisation du registre de recensements des bénéficiaires des programmes sociaux: Oportunidades, Seguro Social et Vivienda popular. Sur la base de ce recensement, des cartes d’identification sont distribuées aux familles et aux personnes participant à l’un des trois programmes, contenant une clef commune pour tous les programmes de recensement de la population (CURP).
Le CONEVAL est en charge de l’évaluation intégrée des politiques et programmes sociaux au Mexique.
Uruguay
Pratique de conception intégrée
En 2005, le ministère du Développement social (MIDES) a été créé afin de coordonner les programmes sociaux destinés aux groupes les plus vulnérables, dans le but de limiter la fragmentation de l’offre publique. Le MIDES a également pour responsabilité l’évaluation et le suivi de l’implantation des programmes de transferts en espèces et des autres programmes sociaux. Afin d’accomplir les tâches d’évaluation et de suivi, le MIDES a créé la Direction nationale de l’évaluation et du suivi (Dirección Nacional de Evaluación y Monitoreo - DIMEN).
En 2008, le gouvernement uruguayen a annoncé que le Plan national d’urgence sociale (PANES – 2005 à 2007) touchait à sa fin et a approuvé le Plan d’équité comprenant plusieurs réformes structurelles: Système d’impôts, Santé, Réforme de l’Etat, Plan pour l’égalité des chances.
Le gouvernement soutient également le Réseau d’assistance et d’intégration sociale (Red de Asistencia e Integración Social - RAIS) qui comprend la mise en place d’un ensemble de mesures et de stratégies d’action pour l’implantation des réformes. Parmi ces réformes se trouvent: les transferts en espèces non contributifs des Allocations familiales (Asignaciones Familiares - AFAM) et les pensions de vieillesse, suivies par la sécurité alimentaire, les politiques d’éducation pour l’enfance et l’adolescence, les politiques associées au travail protégé, la promotion de coopératives sociales et des activités de production, les politiques de promotion et d’inclusion sociale et les politiques d’assistance aux personnes handicapées.
En ce qui concerne les réformes des programmes de transfert, les AFAM sont destinées aux enfants et adolescents mineurs des ménages pauvres et économiquement vulnérables à condition qu’ils se rendent dans les centres éducatifs et qu’ils participent à des contrôles de santé réguliers. Les pensions de vieillesse, quant à elles, comprennent une prestation complémentaire perçue par les personnes âgées dans le besoin à partir de 65 ans et non plus 70 comme.
La Banque de prévoyance sociale (Banco de Previsión Social - BPS) est l’institut de sécurité social public en Uruguay. Créé en 1967, le BPS est un acteur historique clef pour le fonctionnement et la bonne répartition des prestations sociales dans le pays.
Dans le cas uruguayen, le Plan d’équité et le RAIS pourraient être considérés comme des composantes importantes d’intégration pour le socle national de protection sociale.
AU NIVEAU POLITIQUE
Coordination horizontale au niveau du gouvernement central:
La coordination horizontale au niveau du gouvernement central en Uruguay s’organise par l’intermédiaire:
- D’un Cabinet social de coordination intersectoriel, présidé par le MIDES et composé des ministères: de l’Economie et des Finances (MEF); de l’Education et de la Culture (MEC); du Travail et de la Sécurité sociale (MTSS); de la Santé publique (MSP); du Tourisme et du Sport (MTD); du Logement, de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement (MVOTMA); et
- Du Conseil national de politiques sociales (CNPS) auquel participent les mêmes ministères qui constituent le Cabinet social de l’Office de la planification et du budget (OPP) – le CNPS peut envisager la participation d’autres entités telles que le BPS.
Le BPS est le partenaire clé du MIDES, surtout concernant les programmes de transferts en espèces non contributifs (AFAM et pensions de vieillesse).
Coordination verticale entre les différents niveaux du gouvernement:
La coordination dans le domaine social en Uruguay est organisée par les Réunions interinstitutionnelles composées des représentants locaux participant au CNPS. Ces dernières permettent l’articulation de l’offre publique sociale au niveau local.AU NIVEAU DE LA GESTION
Ciblage coordonné des bénéficiaires:
Le ciblage des bénéficiaires des programmes les plus importants en Uruguay est principalement effectué à la demande du MIDES-BPS. Depuis peu, la tâche de ciblage est assignée à l’Observatoire social des programmes et des indicateurs (à la charge du MIDES) qui utilise une cartographie géo-référencée réalisée lors des visites dans les familles les plus pauvres. L’inclusion des bénéficiaires amène à la distribution de cartes (Carte Uruguay Social et Carte BPS-Prestations) pour le versement des transferts en espèces.
Système intégré d’information sociale:
Depuis 2012, l’Uruguay dispose d’un Système intégré d’informations dans le domaine social (Sistema Integrado de Información en el Area Social - SIIAS), instrument de mesure qui croise les données des différents organismes, programmes sociaux et destinataires. Le SIIAS est le résultat d’un accord de coopération institutionnelle entre le MIDES, le BPS et 7 autres organismes étatiques.
L’Observatoire social des programmes sociaux et des indicateurs est une entité qui regroupe les informations des programmes sociaux en Uruguay et utilisées pour leur évaluation et leur suivi.
El Observatorio Social de Programas e Indicadores es un sistema que contiene la información de los programas sociales en Uruguay y es utilizado para la evaluación y seguimiento de los mismos.
Tableau comparatif
Enseignements tirés
Les expériences des 5 pays latino-américains étudiés offrent un ensemble d’enseignements pouvant être utiles pour les autres pays de la région et du monde entier, du point de vue de la coordination institutionnelle relative aux socles de protection sociale.
Ces enseignements, liés aux politiques de l’OIT (notamment à la recommandation n° 202), permettent de faire les observations suivantes:
1) La coordination institutionnelle au niveau politique devrait comprendre une structure de coordination bidimensionnelle (horizontale et verticale):
- La coordination horizontale (ou intersectorielle) pourrait être mise en place au niveau du gouvernement central entre les ministères et les institutions responsables des programmes sociaux, des domaines financiers et de la planification (recommandation n° 202, article 1, paragraphe m). Dans un système fragmenté, l’existence d’espaces d’échanges pour la définition des caractéristiques des politiques de protection sociale et leurs espaces budgétaires respectifs, est fondamentale. Le Cabinet social des ministres en Uruguay et le CCPS en Argentine peuvent être pris pour exemple.
- La coordination verticale pourrait être mise en place entre les différents niveaux du gouvernement (fédéral, national, régional et municipal) avec l’objectif de garantir une cohérence dans l’application des politiques et dans l’attention apportée aux bénéficiaires. Dans le cas de l’Argentine (avec l’AUH) et du Chili (avec le CHS), les accords de collaboration existants entre les institutions de protection sociale et les municipalités pour la mise en œuvre des programmes de manière progressive et des mécanismes de retransmission de l’information des entités en contact régulier avec les bénéficiaires, peuvent être pris pour exemple.
2) La coordination au niveau politique devrait se retrouver dans les pratiques de gestion. La coordination en matière de gestion se révèle être un élément clef pour obtenir une mise en œuvre et un suivi efficaces des actions et des programmes sociaux (en évitant les doublons) et pour atteindre une «gestion financière et [une] administration saines, responsables et transparentes» (recommandation n° 202, article 1). Dans les 5 pays, il est important de souligner les éléments suivants:
- La mise en place d’un mécanisme unique d’identification des bénéficiaires avec des critères d’identification communs et d’une base de données partagée entre les institutions et les différents niveaux du gouvernement responsables des programmes sociaux. Ces mécanismes permettent une réduction des temps et des coûts administratifs et facilitent le développement d’une stratégie de «recherche active» des bénéficiaires potentiels (similaire à celle qui existe au Brésil et au Chili) afin d’obtenir une meilleure couverture et une plus grande visibilité de la population cible.
- L’échange de données entre les institutions chargées des programmes de protection sociale apparaît comme un élément clef pour améliorer le service aux bénéficiaires et les mécanismes de suivi et de contrôle ainsi que pour permettre le passage progressif d’un programme de protection sociale à un autre, tout au long de la vie des bénéficiaires.
- La mise en place d’un réseau institutionnel offrant une couverture nationale, grâce à des agences locales ou «guichets uniques» comme point d’accès des bénéficiaires aux prestations sociales. Il s’agit d’une bonne pratique pour orienter les personnes dans le besoin vers les programmes sociaux adéquats. Le concept de «guichet unique» peut être utilisé pour renforcer la stratégie de recherche active de bénéficiaires potentiels dans les différents pays et servir aux autres politiques publiques (de santé, d’éducation, de développement agricole, de sécurité alimentaire, etc.). Les réseaux institutionnels, tels que le CRAS et le CREAS au Brésil et/ou les soutiens psychosociaux à domicile (UIF) au Chili, sont de bons exemples exemple.
3) La définition d’un cadre légal et l’implication politique forte et durable font partie des composantes importantes pour le bon fonctionnement de la structure bidimensionnelle de coordination, la continuité des programmes sociaux, l’uniformisation des procédures et des règlements pour qu’ils soient applicables au niveau national, la légitimité d’un changement dans les pratiques institutionnelles (et des fonctionnaires), et l’efficacité de la coordination au niveau politique (horizontal et vertical) et de la gestion.
Débats et défis à venir… La recommandation n° 202 8article 12, paragraphe 2) recentre le débat sur les questions de coordination entre les prestations non contributives et contributives. L’articulation de ces deux types de prestations est indispensable notamment pour garantir les droits des travailleurs dans le monde et pour renforcer les prestations et les garanties inscrites dans la convention n° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale de 1952. Ainsi, le rôle du SPS dans le système de sécurité social est fondamental pour l’obtention d’un système de protection sociale complet (comme le montre, par exemple, l’articulation du système de protection sociale en Uruguay). Cependant, la pauvreté et l’informalité sont des phénomènes complexes et inhérents aux pays souffrant de lacunes et représentent un obstacle à cette articulation. Pour cela, la création de mesures d’incitations durables à l’inclusion productive (comme les propositions du Brésil) et de lutte contre l’informalité, menant à une transition des systèmes non contributifs vers des systèmes contributifs devrait être renforcée. De même, les «trappes à pauvreté» qui se créent lorsque les personnes n’ont plus accès aux prestations non contributives en accédant au marché du travail (comme les salariés), devraient être évitées. Les règles devraient donc être conçues pour garantir l’universalité des garanties du SPS et les conjuguer avec l’acquisition progressive de droits aux prestations les plus avancées basées sur les revenus ou sur la durée de l’emploi. |