Lecciones Aprendidas
Les expériences des 5 pays latino-américains étudiés offrent un ensemble d’enseignements pouvant être utiles pour les autres pays de la région et du monde entier, du point de vue de la coordination institutionnelle relative aux socles de protection sociale.
Ces enseignements, liés aux politiques de l’OIT (notamment à la recommandation n° 202), permettent de faire les observations suivantes:
1) La coordination institutionnelle au niveau politique devrait comprendre une structure de coordination bidimensionnelle (horizontale et verticale):
- La coordination horizontale (ou intersectorielle) pourrait être mise en place au niveau du gouvernement central entre les ministères et les institutions responsables des programmes sociaux, des domaines financiers et de la planification (recommandation n° 202, article 1, paragraphe m). Dans un système fragmenté, l’existence d’espaces d’échanges pour la définition des caractéristiques des politiques de protection sociale et leurs espaces budgétaires respectifs, est fondamentale. Le Cabinet social des ministres en Uruguay et le CCPS en Argentine peuvent être pris pour exemple.
- La coordination verticale pourrait être mise en place entre les différents niveaux du gouvernement (fédéral, national, régional et municipal) avec l’objectif de garantir une cohérence dans l’application des politiques et dans l’attention apportée aux bénéficiaires. Dans le cas de l’Argentine (avec l’AUH) et du Chili (avec le CHS), les accords de collaboration existants entre les institutions de protection sociale et les municipalités pour la mise en œuvre des programmes de manière progressive et des mécanismes de retransmission de l’information des entités en contact régulier avec les bénéficiaires, peuvent être pris pour exemple.
2) La coordination au niveau politique devrait se retrouver dans les pratiques de gestion. La coordination en matière de gestion se révèle être un élément clef pour obtenir une mise en œuvre et un suivi efficaces des actions et des programmes sociaux (en évitant les doublons) et pour atteindre une «gestion financière et [une] administration saines, responsables et transparentes» (recommandation n° 202, article 1). Dans les 5 pays, il est important de souligner les éléments suivants:
- La mise en place d’un mécanisme unique d’identification des bénéficiaires avec des critères d’identification communs et d’une base de données partagée entre les institutions et les différents niveaux du gouvernement responsables des programmes sociaux. Ces mécanismes permettent une réduction des temps et des coûts administratifs et facilitent le développement d’une stratégie de «recherche active» des bénéficiaires potentiels (similaire à celle qui existe au Brésil et au Chili) afin d’obtenir une meilleure couverture et une plus grande visibilité de la population cible.
- L’échange de données entre les institutions chargées des programmes de protection sociale apparaît comme un élément clef pour améliorer le service aux bénéficiaires et les mécanismes de suivi et de contrôle ainsi que pour permettre le passage progressif d’un programme de protection sociale à un autre, tout au long de la vie des bénéficiaires.
- La mise en place d’un réseau institutionnel offrant une couverture nationale, grâce à des agences locales ou «guichets uniques» comme point d’accès des bénéficiaires aux prestations sociales. Il s’agit d’une bonne pratique pour orienter les personnes dans le besoin vers les programmes sociaux adéquats. Le concept de «guichet unique» peut être utilisé pour renforcer la stratégie de recherche active de bénéficiaires potentiels dans les différents pays et servir aux autres politiques publiques (de santé, d’éducation, de développement agricole, de sécurité alimentaire, etc.). Les réseaux institutionnels, tels que le CRAS et le CREAS au Brésil et/ou les soutiens psychosociaux à domicile (UIF) au Chili, sont de bons exemples exemple.
3) La définition d’un cadre légal et l’implication politique forte et durable font partie des composantes importantes pour le bon fonctionnement de la structure bidimensionnelle de coordination, la continuité des programmes sociaux, l’uniformisation des procédures et des règlements pour qu’ils soient applicables au niveau national, la légitimité d’un changement dans les pratiques institutionnelles (et des fonctionnaires), et l’efficacité de la coordination au niveau politique (horizontal et vertical) et de la gestion.
Débats et défis à venir… La recommandation n° 202 8article 12, paragraphe 2) recentre le débat sur les questions de coordination entre les prestations non contributives et contributives. L’articulation de ces deux types de prestations est indispensable notamment pour garantir les droits des travailleurs dans le monde et pour renforcer les prestations et les garanties inscrites dans la convention n° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale de 1952. Ainsi, le rôle du SPS dans le système de sécurité social est fondamental pour l’obtention d’un système de protection sociale complet (comme le montre, par exemple, l’articulation du système de protection sociale en Uruguay). Cependant, la pauvreté et l’informalité sont des phénomènes complexes et inhérents aux pays souffrant de lacunes et représentent un obstacle à cette articulation. Pour cela, la création de mesures d’incitations durables à l’inclusion productive (comme les propositions du Brésil) et de lutte contre l’informalité, menant à une transition des systèmes non contributifs vers des systèmes contributifs devrait être renforcée. De même, les «trappes à pauvreté» qui se créent lorsque les personnes n’ont plus accès aux prestations non contributives en accédant au marché du travail (comme les salariés), devraient être évitées. Les règles devraient donc être conçues pour garantir l’universalité des garanties du SPS et les conjuguer avec l’acquisition progressive de droits aux prestations les plus avancées basées sur les revenus ou sur la durée de l’emploi. |